Éducation en Afrique : pourquoi la collecte des données joue un rôle clé ?

Les données sont au cœur du pilotage et de la gestion des systèmes d’éducation et de formation dans tous les pays. Sans une planification appropriée basée sur des données de qualité, on verra énormément de gaspillage de ressources et d’efforts.

Tableau statistique d'une salle de classe à l'école de Yokon-Gbeme au Benin. CREDIT: GPE/Chantal Rigaud

« Sans données probantes, vous êtes juste une personne de plus avec une opinion » 

W. Edwards Deming

Aujourd’hui nous vivons dans un monde en évolution rapide. Chaque nation cherche à être dans les trains de l’évolution. Cependant sans une planification appropriée basée sur des données de qualité il y aura énormément de gaspillage de ressources et d’efforts.

L’éducation est un facteur important qui peut faire évoluer positivement la situation d’un pays en s’ajustant perpétuellement aux environnements éducatifs en pleine incertitude, aux exigences nouvelles des sociétés, aux nouveaux profils des élèves, étudiants et enseignants, aux nouvelles méthodes d’apprentissage et d’enseignement, à la révolution de la communication et du numérique.

Les données sont donc nécessaires pour avoir une meilleure compréhension des environnements de l’éducation afin de rendre le système plus efficace pour pouvoir repérer les tendances et possibilités, et être plus innovant. Les gouvernements du monde priorisent les données dans le but d’améliorer les services qu’ils offrent à leurs citoyens, et comment ils peuvent orienter la politique pour tirer profit des nouvelles possibilités.

Le contexte africain

Le nombre d'élèves et étudiants inscrits dans les systèmes éducatifs africains, du primaire au supérieur, y compris l'enseignement professionnel, a augmenté à un rythme sans précédent. Il est passé de 142,6 millions d’apprenants en 1998 à 286,7 millions en 2017 selon les dernières données de l'Institut de statistique de l'UNESCO.

Cette expansion, conséquence d’une forte demande sociale, a engendré une transformation du cadre institutionnel, de la gouvernance, de l’offre de formation pédagogique et des pratiques d’enseignement dans tous les niveaux de l’enseignement.

Par conséquent, de nouveaux défis sont apparus au niveau national, tels que les besoins urgents en matière de bonne gouvernance, de qualité de l'apprentissage et du renforcement de l'équité.

En plus, d’autres défis régionaux et mondiaux, comme par exemple les objectifs de la stratégie pour l’Afrique sur 50 ans « l’ Agenda 2063, la stratégie continentale de l’éducation - 2016-2025 (CESA 16-25) », l'augmentation du nombre d'objectifs et d'indicateurs en matière d'éducation dans le cadre de l'objectif de développement durable (ODD) 4 de l’Agenda 2030, mettent plus de pression sur les systèmes éducatifs en Afrique et génèrent une demande accrue de données sur l'éducation.

L’existence de plusieurs sources de données ne facilite pas la cohérence des collectes et du traitement. C’est le cas des statistiques scolaires, administratives et des données financières.

Les instituts ou bureaux nationaux de la statistique réalisent des recensements de population, des enquêtes spécifiques, dont des enquêtes de ménage, et produisent des statistiques nationales couvrant le secteur de l’éducation et la formation. Les partenaires au développement produisent des données régionales et mondiales, normalement sur la base des informations fournies par les pays, dans tous les domaines de l’éducation et de la formation.

L’importance des données de l’éducation

Les données sont au cœur du pilotage et de la gestion des systèmes d’éducation et de forma-tion dans tous les pays sans exception. Elles renseignent sur l’état d’un système éducatif ou son évolution dans le temps. C’est donc sur la base des indicateurs, calculés à partir des données collectées, que ce diagnostic peut être fait.

En considérant le cycle des politiques éducatives, quatre moments clés peuvent être identifiés pour illustrer l’importance des données.

  1. Les données sont très utiles, au moment de la formulation des politiques et des straté-gies en éducation et formation, pour déterminer les objectifs et les cibles. Il ne saurait y avoir de choix éclairés, pertinents et soutenables sans données fiables et pertinentes
  2. Les données occupent également une place importante durant la mise en œuvre des-dites politiques. Elles permettent de s’assurer qu’on progresse vers les objectifs prédé-finis. Sur cette base alors, des mesures correctrices seront identifiées et exécutées pour garantir l’atteinte des objectifs assignés à la politique.
  3. Des données de qualité sont incontournables pour mesurer les progrès accomplis au cours d’une période donnée et vérifier l’atteinte des résultats et des objectifs.
  4. Les conclusions de cette évaluation fondent in fine, les décisions qui sont prises dans le sens de poursuivre la politique ou formuler une nouvelle politique.

Ainsi, à toutes les étapes clés du processus, les analyses et les décisions doivent s’appuyer sur des données pour être pertinentes et bénéfiques.

La gestion efficace des systèmes éducatifs africains nécessite la disposition d’un système d’information de gestion de l’éducation (SIGE) alimenté, en temps opportun, par des données pertinentes et de bonne qualité.

L’avenir sera-t-il meilleur en matière de données sur le continent africain ?

Malgré les défis importants à relever par les pays africains dans le domaine des données et du SIGE, l’avenir est prometteur. De nombreux pays disposent des SIGE. Cependant, des mesures urgentes d’amélioration de la collecte et du traitement des données doivent être prises. Il faut :

  • moderniser les SIGE pour favoriser l’exploitation optimale des opportunités des technologies de l’information et de la communication (TIC) en vue d’améliorer la qualité des données, les délais de production et de disposer d’un SIGE dynamique ;
  • renforcer les capacités des acteurs de la chaîne des valeurs statistiques par l’organisation de formations adéquates suivant les postes de travail et les profils clés ;
  • renforcer les capacités des structures productrices de données en les dotant de ressources matérielles, financières et humaines adéquates ;
  • mettre en place des SIGE stables et pérennes pour minimiser les perturbations liées aux changements institutionnels qui confèrent la gestion du secteur de l’éducation et de la formation à un ou plusieurs ministères selon les pays ou les gouvernements. Le Mali, avec la Cellule de planification et de statistique de l’éducation et de la formation (CPS-EF), et le Sénégal, avec la Direction de la planification et de la réforme de l’éducation (DPRE) qui produisent des statistiques pour tout le secteur de l’éducation et de la for-mation indépendamment du nombre de ministères en charge du secteur, constituent de bons exemples ;
  • développer des partenariats harmonisés et complémentaires avec des organisations qui ont de l’expertise dans le domaine du SIGE aux plans mondial et continental particulièrement l’UNESCO et l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA).

La culture statistique se développe progressivement dans les différents pays grâce aux actions conjuguées des États et des partenaires techniques et financiers comme l’ADEA et l’UNESCO. L’exigence de fonder les actions et les décisions sur des évidences, des preuves, pousse les pays à accorder plus d’importance aux SIGE. Le principe de redevabilité s’affirme de plus en plus et oblige à disposer de données de qualité pour informer et rendre compte de l’action publique.

L’action de l’ADEA pour améliorer les données sur l’éducation

Une utilisation efficace et efficiente des outils développés par l’ADEA et ses partenaires pour accompagner les pays dans la production de données de qualité peut considérablement amé-liorer la disponibilité des statistiques éducatives fiables à temps sur le continent.

Parmi ceux-ci, il y a le Cadre d’évaluation des normes et standards SIGE développé par l’ADEA en collaboration avec les experts SIGE des pays. L’ADEA compte utiliser ces normes et standards SIGE contextualisés et adoptés par l’Union africaine et ses Communautés économiques régionales (CER) pour renforcer toute la chaine de valeur statistique à travers l’exercice des revues par les pairs, qui est aussi un excellent cadre d’apprentissage entre les pairs.

Cet exercice débouche généralement sur l’élaboration d’un plan d’action chiffré dont la mise en œuvre aura un impact réel sur les SIGE nationaux, régionaux et continentaux.

Toujours dans l’optique de renforcer la qualité des données du secteur de l’éducation, l’ADEA travaille avec les pays pour le développement de politiques de SIGE couvrant l’ensemble du secteur de l’éducation et de la formation, afin d’assurer un suivi efficace des progrès réalisés dans la mise en œuvre des agendas nationaux et internationaux sur l’éducation et la formation et de mesurer la performance des systèmes éducatifs africains.