L’ADEA et le rôle central du développement de la petite enfance en Afrique

De la naissance du Groupe de travail sur le développement de la petite enfance à la conférence "Africa Play Conference" 2019

Jeune fille jouant avec des briques LEGO à l’école primaire Esikhisini à Atteridgeville (Afrique du Sud), une école bien connue par ses méthodes d’apprentissage basées sur le jeu grâce à la collaboration entre le ministère de l’éducation de base de l’Afrique du Sud, la fondation LEGO et UNICEF Afrique du Sud. Copyright : ADEA | Photo: Stefano De Cupis

1993 : La naissance du Groupe de travail de l’ADEA sur le développement de la petite enfance (GTDPE)

La reconnaissance de la petite enfance comme base d’un développement durable a été toujours mentionnée par plusieurs études, recherches et agendas comme une des priorités et réussites pour le continent Africain. C’est dans cet esprit que l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA) a établi le Groupe de travail pour le développement de la petite enfance en 1993. Au départ il s’agissait d’un groupe spécial au sein du Groupe de travail sur la participation des femmes qui est après devenu le Forum des éducatrices africaines (FAWE). Piloté à ses débuts par un groupe de professionnels engagés de l’Afrique sub-saharienne et de l’Europe (Ghana, Finlande, Namibie et Pays-Bas) qui avait inscrit dans son agenda le développement intégré de la petite enfance et une programmation intégrée comme un trait important de leur stratégie concernant l'éducation pour tous (EPT), le Groupe de travail pour le développement de la petite enfance est devenu opérationnel en 1996 suite à la réunion  d’évaluation à mi-parcours de l’EPT qui s’est tenue à Amman (Jordanie) où a été introduit le slogan “ À huit ans, c’est trop tard” par le comité conjoint sur le DPE. De nombreux pays (par ex. la Finlande, le Ghana, la Namibie, etc.) et organisations (par. ex. l’UNESCO et l’UNICEF) ont joué un grand rôle dans le processus. 

De Libreville à Kigali : Les réalisation clés depuis la Biennale 2006 de l’ADEA et le lancement du Pôle de qualité inter-pays sur le Développement de la petite enfance (PQIP-DPE) 

Les résultats du discours de Libreville ont déclenché la réalisation d'une série de jalons qui ont abouti à la création et au lancement du PQIP de l’ADEA sur le DPE à Kigali en 2015. Ces jalons incluent le lancement du Rapport mondial de suivi de l'UNESCO en 2007 sur les soins et l'éducation de la petite enfance, la quatrième Conférence africaine de l'ADEA sur le DPE en 2009, l'inclusion du DPE dans le Plan d'action de la deuxième décennie de l'UA pour l'éducation pour l'Afrique, élaboré par la Conférence des ministres de l'éducation de l'Union africaine (COMEDAF) en 2009, la Conférence de Moscou et l’Initiative Maurice-Afrique en 2010.

La Biennale 2006 de l’ADEA qui s’est tenue du 27 au 31 mars 2006 à Libreville (Gabon) sur le thème central des « Caractéristiques, conditions et facteurs d'efficacité des écoles et des programmes d'alphabétisation et de développement de la petite enfance en Afrique » a conduit aux conclusions suivantes pour le DPE: 

  1. Promouvoir les liens entre les écoles primaires et les programmes de DPE afin de favoriser une compréhension mutuelle et une transition harmonieuse ; 
  2. Faire en sorte que les directions des écoles encouragent la participation de la communauté et l’implication des parents dans l’apprentissage des enfants à l’école et à la maison ;
  3. Intégrer des contenus et messages de DPE dans tous les programmes d’alphabétisation fonctionnelle des adultes et d’éducation non formelle ; 
  4. Promouvoir et prendre part aux initiatives de collaboration avec d’autres services (Santé, nutrition, bien-être social, protection, eau et assainissement) afin d’apporter une réponse globale aux besoins et droits des jeunes enfants ;
  5. Soutenir et prendre part à l’élaboration d’un cadre de politique global et de plans d’action pour le DPE (assortis de priorités, chiffrage des coûts et stratégies de financement et mobilisation des ressources) ;
  6. Soutenir et prendre part aux programmes d’éducation parentale destinés à tous ceux qui s’occupent des enfants (y compris les pères et les jeunes parents) pour favoriser une stimulation précoce des enfants et un bon contenu d’apprentissage. 

En 2007, l’UNESCO a donné une contribution de qualité à la problématique en lançant son Rapport mondial de suivi « Un Bon départ: éducation et protection de la petite enfance », un document de plaidoyer et de mobilisation en vue d’accélérer les progrès dans le développement de la petite enfance. Le Rapport de Suivi EPT 2007 avait conclu que : "Nous n’allons réaliser ni l’EPT ni les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) sans programmes sur la petite enfance".

Du 10-13 novembre 2009, s’est tenue la quatrième conférence africaine de l’ADEA sur le développement de la petite enfance qui avait pour thème « De la politique à l’action : Accroître l’investissement en DPE pour un développement durable ». Cette rencontre de haut niveau et de plaidoyer a vu la participation de 700 participants dont 2 Chefs d’État (Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal et son homologue malien, Amadou Toumani Touré), 43 ministres de l’Éducation, des Finances, de la Santé, de la Protection et de l’Action sociale, 23 agences and partenaires au développement, 37 ONG, 21 gouvernement locaux et organisations chargées du développement communautaire.

Un des grands résultats de cette rencontre a été l’adoption du DPE par l’Union africaine (UA) comme la 8epriorité de la deuxième décennie de l’éducation en Afrique lors de laConférence des ministres de l'Education de l'Union africaine (COMEDAF) qui a eu lieu du 23 au 26 novembre 2009 à Mombasa, Kenya.

La conférence de Moscou qui s’est tenue du 27 au 29 septembre 2010, à moins d’un an du COMEDAF IV, a contribué à appuyer la mise en œuvre du 8edomaine de priorité du Plan d’action de l’UA pour la deuxième décennie et a eu pour objectif de renforcer l’engagement politique vis-à-vis de la petite enfance et d’établir un ensemble d’actions visant à  renforcer les programmes de l’éducation internationale et du développement, en particulier l’éducation pour tous (EPT) et les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le Groupe de travail de l’ADEA pour le développement de la petite enfance a apporté un appui technique à la préparation et à la rédaction du rapport régional et la convocation d’une tribune de presse, organisé une réunion en marge de la conférence qui a porté sur « La campagne régionale de l’Afrique pour défendre l’éducation et la protection de la petite enfance (EPPE) : le cadre du GTDPE de l’ADEA dans l’organisation de l’agenda pour le développement de la petite enfance ». La présentation officielle de la série « Bouba et Zaza, Culture d’enfance » par Mme Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO a été le point d’orgue de cette conférence. Cette collection de livres pour enfants, publiée par le Groupe de travail de l’ADEA pour le développement de la petite enfance, Bureau régional de l'UNESCO pour l'éducation en Afrique (BREDA) et la maison d’édition Michel Lafon Education et disponible en français, anglais, portugais et kiswahili, constitue une première en Afrique, car elle a été élaborée par des africains. Conçu pour une amélioration de la qualité de l’éducation et pour une démocratisation de l’information sur des thèmes contemporains et d’importance capitale pour le développement durable de l’Afrique, « Bouba et Zaza » abordent des sujets telles que la paix, le respect de soi et des autres, la protection de l’environnement, le VIH/SIDA, etc.).

Le lancement officiel del’Initiative Maurice-Afrique (MAI) a eu lieu du 23 au 25 mars 2010 à Balaclava (Maurice) suite à la décision prises par les experts et représentants des ministres de l’Éducation, du développement de l’enfant avec les organisations de la société civile, les pays et organisations lors de la Biennale 2006 de l’ADEA au Gabon, qui a souligné le besoin pour des approches et politiques régionales plus globales en terme d’EPPE en Afrique subsaharienne.

Le Pôle de qualité inter-pays, qui s’appuie sur les activités du MAI, est officiellement lancé le 9 février 2015 lors de la conférence ministérielle de Kigali sur l’agenda post 2015. Il devient ainsi une plateforme pour servir de forum pour le plaidoyer et le positionnement du DPE en tant que priorité dans les agendas nationaux de développement et améliorer l’offre de programme DPE de qualité sur le continent. Il poursuit et amplifie depuis lors le travail entamé par le Groupe de travail de l’ADEA sur le DPE, coordonné par l’UNESCO depuis 2007. Le choix s’est porté sur Maurice en raison de ses succès dans le domaine doublés d’une forte volonté du Gouvernement. Ces mêmes arguments ont également contribué à désigner Maurice, à travers le Pôle de qualité de l’ADEA pour le développement de la petite enfance (PQIP-DPE), comme pays chef de file du groupe thématique à l’issue de la réunion de lancement du Groupe thématique de l’Union africaine pour l’éducation et le développement de la petite enfance, qui s’est tenue du 3 au 4 septembre 2018 à Addis Abeba (Ethiopie) dans le cadre de la stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA 2016-25).

Dans le cadre de son plan stratégique 2018-2022 qui œuvre pour l’amélioration de la qualité de l’éducation en Afrique, l’ADEA de même que le ministère de l’Éducation de base de l’Afrique du Sud, l’UNICEF Afrique du Sud et la Fondation LEGO ont organiser la première Conférence continentale sur l’apprentissage par le jeu pour l’acquisition des compétences du XXIsiècle, également connu sous le nom de « Africa Play Conference ». La Conférence a eu lieu du 25 au 27 février 2019 à Pretoria, Afrique du Sud et a réuni 400 participants dont des leaders, éducateurs, décideurs et chercheurs du monde entierafind’intégrer l’apprentissage par le jeu dans les approches, l’affectation des ressources, le développement des enseignants et le matériel d’appui pour la réalisation de l’Agenda 2063, l’Agenda 2030 (surtout l’Objective de développement durable numéro 4) et la Stratégie continentale de l'éducation pour l'Afrique 2016-2025 (CESA 16-25).

Au terme de la Conférence continentale sur l’apprentissage par le jeu, qui a remporté un très grand succès – parmi les principales recommandations relatives à la déclaration de la Conférence – les  délégués des pays suivants  l’Angola, le Bangladesh, la Belgique, le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Canada, le Chili, la Côte d'Ivoire, l’Eswatini, l’Ethiopie, la France, le Ghana, la Jordanie, le Kenya, la Mexique, le Maroc, la Namibie, les Pays-Bas, le Nigeria, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Singapour, la Suisse, la Tanzanie, la Tunisie, l’Ouganda, le Royaume-Uni, les États-Unis d'Amérique, le Vietnam, la Zambie et le Zimbabwe, représentant des ministères, des gouvernements, des organisations de la société civile et des universités ont : 

  • Exhorté tous les gouvernements à mettre en place des politiques, des cadres juridiques et des programmes solides favorisant l'intégration transparente de l'apprentissage basé sur le jeu de la naissance jusqu’à la fin de l'éducation de base;
  • Affirmé d’établir des systèmes d'apprentissage ouverts et flexibles;
  • Insisté pour que la priorité soit donnée au recyclage, à l’amélioration de la qualification et à la réorientation du corps de l’éducation existant afin de soutenir le changement dans l'éducation, la facilitation et l'apprentissage des enfants à tous les niveaux basés sur le jeu;
  • Convenu de promouvoir les principes universels d'apprentissage basé sur le jeu dans tous nos programmes, qui sont de nature inclusive et qui offrent à tous les enfants sans différentiation de leurs capacités, leur culture et leur statut socio-économique;
  • Exhorté les gouvernements et toutes les parties prenantes à optimiser l’accès et l’utilisation des ressources et matériels d’enseignement et d’apprentissage;
  • Convenu de chercher continuellement des moyens d'encourager et d'aider les parents, les tuteurs et les personnes qui s'occupent de l'enfant à offrir à leurs enfants des possibilités de garde et d'apprentissage ludiques et enrichissantes;
  • Exhorté toutes les parties prenantes à exploiter l'impact collectif des partenariats aux niveaux local, national, continental et mondial afin de mobiliser des ressources et de mettre en œuvre un apprentissage basé sur le jeu dans le continuum de l'éducation ;

Il est fondamental que tous les pays, les organismes intergouvernementaux compétents, les organismes des Nations Unies, les organisations non gouvernementales compétentes et toutes les autres parties prenantes à prendre dûment en compte la contribution de l'apprentissage basé sur le jeu au développement des connaissances, du capital humain, des capacités et des compétences nécessaires pour les innovations, le développement durable et la prospérité au XXIe siècle pour répondre aux aspirations de l’Afrique que nous souhaitons.